Les
Revenants et le folklore américain
Lu le 26 janvier 2013
Lu le 26 janvier 2013
Les
Revenants
de Laura Kasischke
«
La scène de
l'accident était exempte de sang et empreinte d'une grande beauté.
Telle
fut la première pensée qui vint à l'esprit de Shelly au moment où
elle arrêtait la voiture.
Une
grande beauté.
La
pleine lune était accrochée dans la ramure humide et nue d'un
frêne. L'astre déversait ses rayons sur la fille, dont les cheveux
blonds étaient déployés en éventail autour du visage. Elle gisait
sur le côté, jambes jointes, genoux fléchis. On eût dit qu'elle
avait sauté, peut-être de cet arbre en surplomb ou bien du haut du
ciel, pour se poser au sol avec une grâce inconcevable. »
(extrait
du Prologue, p.11)
Avec
ce début, qui n'est pas sans rappeler une séquence à la fois
magnifique et insupportable du Sailor
et Lula
de Lynch, où un accident de voiture est montré comme une vision
onirique un bref instant, avant de redevenir ce qu'il est, une scène
d'horreur et de mort, l'auteur nous plonge une fois encore dans un
certain folklore américain. Les Etats Unis en effet, en tant que
jeune nation, ont une mythologie qui leur est propre et qui ne se
confond pas avec les récits mythiques qui fondent notre culture de
ce côté de l'océan. Là-bas, pas d’Oedipe, de Médée ou d'Atrides
mais un folklore tout de même, fait de campus universitaires et de
fraternités aux noms grecs, de cheerleaders blondes, de
bibliothèques hantées et de fantômes d'adolescents...
Si ce roman est une
vraie réussite, ce n'est pas parce que Laura Kasischke réunit tous
ces ingrédients vampiro-adolescento-gossipo-américains, mais parce
qu'elle parvient très subtilement à analyser ces ficelles de
l'intérieur. L'un de ses personnages, Mrs Polson, avatar de l'auteur
elle-même, se livre en effet à des travaux de recherche sur le
thème des légendes universitaires et autres vampires gloutons
d'étudiantes blondes et majores de promotion...
Laura
Kasischke s'était attaqué déjà au folklore américain avec Rêve
de garçon en
2007 : un pur chef d’œuvre, dans une veine proche du Virgin
Suicides
de Jeffrey Eugénides. Les
Revenants est,
à mon sens, un peu moins réussi, mais c'est néanmoins un très bon
roman, et il s'agit de ne pas se laisser prendre par son titre,
volontairement populaire. Avec Les
Revenants,
on est plus près de la satire sociale que du roman de pré-ado, plus
dans l'esprit de Tom Wolfe et de son Moi,
Charlotte Simmons
(2004), que de Buffy
ou autres Twilight...
c'est toute l'hypocrisie américaine qui est montrée du doigt, et
en particulier celle de son élite universitaire... Anaïs T.
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