dimanche 10 février 2013

Les Revenants de Laura Kasischke***

Les Revenants et le folklore américain

 Lu le 26 janvier 2013

Les Revenants de Laura Kasischke
roman américain, 2011 (éd.Le Livre de Poche), 663 p.


«  La scène de l'accident était exempte de sang et empreinte d'une grande beauté.
Telle fut la première pensée qui vint à l'esprit de Shelly au moment où elle arrêtait la voiture.
Une grande beauté.
La pleine lune était accrochée dans la ramure humide et nue d'un frêne. L'astre déversait ses rayons sur la fille, dont les cheveux blonds étaient déployés en éventail autour du visage. Elle gisait sur le côté, jambes jointes, genoux fléchis. On eût dit qu'elle avait sauté, peut-être de cet arbre en surplomb ou bien du haut du ciel, pour se poser au sol avec une grâce inconcevable. » (extrait du Prologue, p.11)

Avec ce début, qui n'est pas sans rappeler une séquence à la fois magnifique et insupportable du Sailor et Lula de Lynch, où un accident de voiture est montré comme une vision onirique un bref instant, avant de redevenir ce qu'il est, une scène d'horreur et de mort, l'auteur nous plonge une fois encore dans un certain folklore américain. Les Etats Unis en effet, en tant que jeune nation, ont une mythologie qui leur est propre et qui ne se confond pas avec les récits mythiques qui fondent notre culture de ce côté de l'océan. Là-bas, pas d’Oedipe, de Médée ou d'Atrides mais un folklore tout de même, fait de campus universitaires et de fraternités aux noms grecs, de cheerleaders blondes, de bibliothèques hantées et de fantômes d'adolescents...
Si ce roman est une vraie réussite, ce n'est pas parce que Laura Kasischke réunit tous ces ingrédients vampiro-adolescento-gossipo-américains, mais parce qu'elle parvient très subtilement à analyser ces ficelles de l'intérieur. L'un de ses personnages, Mrs Polson, avatar de l'auteur elle-même, se livre en effet à des travaux de recherche sur le thème des légendes universitaires et autres vampires gloutons d'étudiantes blondes et majores de promotion...
Laura Kasischke s'était attaqué déjà au folklore américain avec Rêve de garçon en 2007 : un pur chef d’œuvre, dans une veine proche du Virgin Suicides de Jeffrey Eugénides. Les Revenants est, à mon sens, un peu moins réussi, mais c'est néanmoins un très bon roman, et il s'agit de ne pas se laisser prendre par son titre, volontairement populaire. Avec Les Revenants, on est plus près de la satire sociale que du roman de pré-ado, plus dans l'esprit de Tom Wolfe et de son Moi, Charlotte Simmons (2004), que de Buffy ou autres Twilight... c'est toute l'hypocrisie américaine qui est montrée du doigt, et en particulier celle de son élite universitaire...    Anaïs T.



Du même auteur:

 Rêves de garçon, un pur chef d’œuvre
A moi pour toujours, petit roman aux ficelles si grosses qu'on peut franchement s'en passer !
En un monde parfait, ou comment passer le traditionnel récit post-apocalyptique à la moulinette du récit fleur bleue...












 

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