dimanche 23 mars 2014

L'amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder*


Achevé le 21 mars 2014

L'amour dure trois ans de Frédéric Beigbeder
roman français, 1997 (éd.Le Livre de Poche), 185p.


On ne présente plus guère Beigbeder, et on en pense ce qu'on en veut, malgré tout la lecture de ses romans est toujours un – petit – plaisir. Ce roman-ci a été porté à l'écran en 2012, par Beigbeder lui-même.
Dans ce texte autobiographique, Beigbeder, tel Sisyphe roulant sans cesse son rocher en haut de la montagne pour mieux le voir dégringoler chaque fois de l'autre côté, s'envisage comme le triste héros de l'amour tragique. L'amour dure trois ans : passion – tendresse – ennui, comme un schéma dont malgré toute la bonne volonté du monde, on ne peut sortir. Son texte est-il ainsi émaillé d'aphorismes et de maximes, tous plus définitifs et désespérants les uns que les autres :
« L'amour est un combat perdu d'avance. »
« La première année, on achète des meubles. La deuxième année on déplace les meubles. La troisième année on partage les meubles. »
« Le bonheur n'existe pas. L'amour est impossible. Rien n'est grave. »
« Les contes de fées n'existent que dans les contes de fées. »
« On ne peut pas désirer ce qu'on a, c'est contre nature. »
« Le Mariage, l'institution-qui-rend-l'amour-chiant. »
« Le totalitarisme conjugal continue, chaque jour, de perpétuer le malheur, de génération en génération. »
etc... etc... Mais voilà, notre looser dépressif, cocaïnomane impénitent, désormais divorcé et lucide, retombe dans le piège de l'amour avec la belle Alice : comment s'abandonner à la passion quand on sait, qu'on est sûr, que l'amour dure trois ans ? Peut-être en révisant ses certitudes... Distrayant. Anaïs T.


samedi 15 mars 2014

L'Expérience Oregon de Keith Scribner*


Achevé le 14 mars 2014

L'expérience Oregon de Keith Scribner
roman américain, 2011 (éd.10/18), 496p.

« Mon Dieu ! Et s'ils y restaient si longtemps que ça ? (…) Leurs gosses grandiraient pleins de confiance, « purs produits » de l'Oregon. Ils feraient partie de l'organisation de la jeunesse du ministère de l'agriculture. On viendrait chercher sa fille dans des pick-up rutilants. Un fils étudiants en agronomie et inscrit au club de tir du lycée. Ou ils s'installeraient dans une communauté dans les collines – leur fils passerait sa vie à jongler et à coudre des clochettes sur son chapeau de bouffon en velours flapi, leur fille à adorer la lune et à faire de la peinture avec le sang de ses règles. » (p.99)


Lorsqu'elle emménage avec son universitaire de mari en Oregon, Naomi fait la gueule : elle a perdu son sens de l'odorat or elle est nez de profession. Quand elle retrouve enfin son odorat au contact de ces senteurs nouvelles et si exotiques pour la New new-yorkaise qu'elle est – le plus souvent subtil mélange de patchouli, muffin au carottes et aisselles, Naomi fait la gueule de plus belle : décidément, c'est à New York qu'elle veut vivre. Quand nait son enfant, si attendu, c'est encore et toujours la gueule : problèmes d'allaitements cette fois... Bref, ce n'est pas dans son intrigue, ni dans son personnage principal qu'il faut chercher l'intérêt de ce roman.
En revanche, le personnage de Clay, jeune anarchiste avide d'amour et passionné par le dynamitage de 4×4 ou encore de Séquoïa, écolo-alter-mondialiste-sécessionniste et mère-courage célibataire, sont plus attachants : ils nous racontent une Amérique que nous ne connaissons pas. Celle qui s'est faite dans l'ombre du rêve américain, celle de tous ces gens pour qui ascension sociale et possessions matérielles ne constituent pas un idéal de vie. Ces gens qui trouvent les Etats Unis trop grands. Qui rêvent de connaître leurs voisins, de vivre sans les géants de l'agro-alimentaire ou les laboratoires pharmaceutiques, qui aiment les arbres et les légumes du jardin. Et qui sont prêts à se battre pour leurs valeurs. L'expérience Oregon nous raconte une Amérique à l'opposée de celle des traders ou des obèses gorgés de bic-macs, et nos clichés sur les Américains en prennent un coup. Tant mieux.     Anaïs T.

*** ma P.A.L. du mois de mars ***

Tout bon blogueur spécialisé dans les romans se doit de temps à autres de fournir sa P.A.L : sa Pile de bouquins A Lire, soigneusement rangés sur la table de chevet, et fruits de coups de têtes et de coups de cœur au détour des rayonnages des librairies... En ce qui me concerne, et je m'en délecte d'avance, voilà ce qui constitue mon petit trésor du mois de mars :
Jeffrey Eugenides, Le Roman du mariage (je suis une inconditionnelle de Middlesex) !
Alessandro Piperno, Inséparables (la suite de Persécution, chroniqué sur ce blog http://mespetitsbouquins.blogspot.fr/2013/04/persecution-dalessandro-piperno.html)
Sara Stridsberg, La Faculté des rêves (petit cadeau des éditions Le Livre de Poche !)
Joseph Connolly, Drôle de Bazar (en espérant que cela soit aussi drôle que Vacances anglaises qui avait inspiré le film Embrassez qui vous voudrez)
Helen Walsh, Une famille anglaise
Steve Tesich, Karoo (jolie couverture bling bling)
et puis aussi:
Frederic Beigbeder, L'amour dure trois ans
Jean Teulé, Ô Verlaine
George Sand, Histoire de ma vie
William  Thackeray, La Foire aux vanités
Si vous avez déjà croisé ces romans, commentaires et impressions seront les très bienvenus !

mardi 11 mars 2014

Je,François Villon de Jean Teulé**


Achevé le 6 mars 2014

Je, François Villon de Jean Teulé
roman français, 2006 (éd.Pocket), 435p.

"Je suis français, ce qui me pèse,
Né de Paris emprès Pontoise,
Et par la corde d'une toise,
Mon coup saura ce que mon cul pèse."
                                                François Villon

 
Après Rimbaud et Verlaine, et c'est à un autre poète rebelle que s'attaque Teulé. Une fois n'est pas coutume, je laisse la parole à un autre lecteur, Jean B., qui a su très bien cerner l'oiseau Teulé :

« Une grosse lichette de foutre, un bonne rasade de sang, une sacrée pincée de merde, à macérer dans le bouillon méphitique du Paris des putains sales et des gibets bondés de la fin du Moyen Âge, et vous voilà la gorge déployée à chaque coin de page, la bouche toujours pleine de cette terrine absurde et roborative de nos semblables....Il n'est pas prêt d'entrer à l'Académie cet espiègle bougre... »

Un roman génial, mais à ne lire que si la phrase « T'as bouffé ma mère en pâté ? » vous paraît conciliable avec votre idée de la chose littéraire !

lundi 3 mars 2014

Les Merveilles de Claire Castillon*


Les petits bouquins du mois de février (2)

Achevé le 15 février 2014

Les Merveilles de Claire Castillon
roman français, 2011 (éd.Le Livre de Poche), 189p.

« Quand je m'emmerde, je pense au prénom qu'on pourrait donner à la petite et je trouve pas. Luiggi voudrait Corinne. Moi je pense que c'est comme pour les attardés. Attendre neuf mois pour finir avec une Corinne, autant avorter tout de suite. Star, Omégaze, Clitance, Vaporine, je propose mais il dispose pas. Il rigole gentiment comme s'il croyait à une blague. Mais je blague pas. Je suis contente mais je m'ennuie, ça commence à monter, faut pas se leurrer, l'embourgeoisie c'est pas pour moi. » (p.77)


Voilà un roman, qui a priori, comme ça, n'a à peu près rien pour me plaire.

Je n'apprécie pas beaucoup Claire Castillon, je ne crois pas à son personnage et ses nouvelles, psycholo-trashissimes m'agacent.

Je n'adore pas non plus qu'on écorche à plaisir la langue française : Zola l'a fait dans un souci sociologique, Queneau l'a fait avec inventivité et irrévérence, voilà, l'expérience est tentée, plus rien d'original de ce côté là.

Et puis le coup du chien : oui, je sais, c'est ridicule, mais il n'y a rien qui me répugne autant dans un roman comme dans un film que le bon vieux « coup du chien » : des femmes battues autant que l'on veut, des scènes incestueuses, des coups de poings, des crimes sanglants, oui, mais un chien blessé, tué ou torturé, je ne sais pas, mais ça ne fonctionne pas, justement parce que ça fonctionne trop bien, c'est trop facile. Et là, en matière de coup du chien, on est servi ; d'ailleurs, la première de couverture, avec son mignon petit clebs aux oreilles pendantes et aux yeux tristes, ne présage rien de bon...

Donc bien fait pour moi, je n'avais qu'à passer mon chemin devant Les Merveilles de Claire Castillon. Sauf que c'est un bon roman. Je n'en raconte pas plus long, mais le texte mérite qu'on laisse tomber clichés et préjugés et que l'on tente l'expérience... Anaïs T.

Incidences de Philippe Djian***

les petits bouquins du mois de février (1)


Achevé le 10 février 2014

Incidences de Philippe Djian
roman français, 2010 (éd.Folio), 244p.

«  Difficile de savoir ce qui lui passait par la tête, de temps en temps. Lui-même n'en savait trop rien pour parler franchement – la seule certitude qu'il avait, pour l'heure, était qu'il mourait de faim.  » (p.106)



Incidences est le roman qui a servi d'inspiration au dernier film des frères Larrieu, « L'amour est un crime parfait ». Je ne sais pas ce que vaut la version cinématographique – sans doute un très bon film, puisque Karin Viard et Mathieu Amalric sont de très bons comédiens(sans doute n'est-ce pas une raison suffisante me direz-vous), mais une chose est certaine : une fois de plus, on peut affirmer que Djian est un très grand romancier. On dévore ce texte avec une certaine jouissance, complètement vampirisé par le personnage de Marc, magnifique looser, accroc au tabac comme aux jolies étudiantes, strictement incapable de fait le distinguo entre le Bien et le Mal, complètement déphasé par une enfance violente et par sa trouble cohabitation avec Marianne, sa sœur... Un régal doux-amer, où le cynisme de Djian fait merveille ! Anaïs T.