dimanche 23 juin 2013

La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert de Joël Dicker**


La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert,  chef d’œuvre d'easy-reading

Achevé le 23 juin 2013

La Vérité sur l'affaire Harry Quebert de Joël Dicker
roman américain, 2012 (éd. De Fallois/L'Âge d'homme), 668 p.

«  Depuis l'arrivée de Harry à Aurora, il fallait à Jenny Quinn une bonne heure de plus pour se préparer le matin. Elle était tombée amoureuse de lui le premier jour où elle l'avait vu. Jamais auparavant, elle n'avait ressenti en elle pareilles sensations : il était l'homme de sa vie, elle le savait. Il était celui qu'elle attendait depuis toujours.»  (p.151)


                  Ils sont nombreux les admirateurs de La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert à m'avoir vanté ce roman comme complètement fascinant et addictif... Donc, à l'encontre de mes habitudes – je ne lis en général que des formats poches, car je tiens à posséder, telle une fétichiste, les livres qui m'ont marquée, alors je les achète, mais budget oblige, seulement quand ils sortent en poches ! - je me suis offert ce pavé, mise en appétit par tant de bravi. Et, je l'avoue, j'ai dévoré le roman en trois jours, sans bouder mon plaisir. Pourtant, ce n'est pas un bon livre...
              L'histoire : Marcus Goldmann, dit le formidable, se lance dans une enquête criminelle dans la petite ville d'Aurora, New Hampshire, pour sauver la peau de son ami, père spirituel et maître à penser : le grand romancier Harry Quebert. Une jeune fille de quinze ans a disparu, voilà 30 ans, or, son corps vient d'être retrouvé enterré dans le jardin de la villa d'Harry ; dans la fosse, outre le cadavre, un manuscrit, celui du roman qui a transformé le petit romancier en l'un des plus grand auteurs de son temps... Cette enquête sur le passé trouble de la fillette et de certains des membres de la petite communauté d'Aurora deviendra la matière même d'un nouveau roman, celui cette fois de Marcus Goldmann...
           Bref, une enquête policière, une leçon d'écriture – le texte est conçu à la manière d'un work in progress, on lit ce qui, sans doute, deviendra le roman de M.G, et surtout un jeu sur le thème du double : écrivains lancés ou écrivains manqués, chefs d'oeuvre ou plagiats, grands auteurs ou imposteurs, Marcus et Harry s'admirent, s'imitent, et surtout se construisent l'un l'autre dans une récoprocité permanente. De bonnes idées, et une redoutable efficacité, mais le compte n'y est pas : pour moi, La Vérité sur l'affaire Harry Quebert est un formidable livre de plage. Pas mieux.
             D'abord l'histoire d'amour, de mouettes et de labrador jaune, est d'un cucul accompli. Passons et admettons, c'est l'histoire d'amour d'une enfant de quinze ans. Ensuite les troubles psychologiques type dédoublement de personnalité : franchement, c'est une ficelle usée jusqu'à la corde, un coup de barre comme peu osent encore se permettre. Mais surtout, et là c'est plus gênant, ce texte dont l'intrigue repose au final sur le thème de la légitimité d'un roman, les problèmes de plagiat, et d'imposture serait selon certains rien d'autre qu'« une pâle resucée de Philip Roth » (cf http://bibliobs.nouvelobs.com/rentree-litteraire-2012/20121105.OBS8048/joel-dicker-a-t-il-ecrit-une-pale-resucee-de-philip-roth.html). Marcus serait le jumeau de papier de Joël, et Harry celui de Philip ? Un peu léger, et l'hommage – l'un des personnages, l'un des plus bêtes d'ailleurs, se nomme Roth – est si discret que cela ne permet pas tout... Passons sur cette polémique, d'autres en parlent bien mieux que moi. Reste que le roman est tout en dialogues, que la psychologie des personnages est plutôt allégée, et qu'en matière de descriptions, d'atmosphère, et de travail de style, rien
               Bref, c'est bel et bien du easy-reading, un vrai bouquin pour la plage, à dévorer sans complexe, comme un bon Mary Higgings Clark, mais sans forfanterie non plus, y a pas de quoi ! Anaïs T. 

 

jeudi 13 juin 2013

Limonov d'Emmanuel Carrère**


Limonov, le picaresque du 20e siècle

Achevé le 8 juin 2013

Limonov d'Emmanuel Carrère
roman français, 2011 (éd.folio), 489 p.

«  La situation, c'est que je suis son biographe : je l'interroge, il répond, quand il a fini de répondre il se tait en regardant ses bagues et attend la question suivante. Je me dis qu'il est hors de question de me taper plusieurs heures d'entretien de ce genre, que je me débrouillerai très bien avec ce que j'ai. Je me lève en remerciant pour le café et le temps qu'il m'a consacré, et c'est sur le pas de la porte qu'il m'en pose une, finalement, de question :
« C'est bizarre quand même. Pourquoi est-ce que vous voulez écrire un livre sur moi ? »
Je suis pris de court mais je réponds, sincèrement : parce qu'il a – ou parce qu'il a eu, je ne rappelle plus le temps que j'ai employé – une vie passionnante. Une vie romanesque, dangereuse, une vie qui a pris le risque de se mêler à l'histoire.
Et là, il me dit quelque chose qui me scie. Avec son petit rire sec, sans me regarder : « Une vie de merde, oui. »  » (p.484)



Limonov est un « fasciste anachronique et mégalomane », la formule est de Finkielkraut, et finalement le portrait brossé par Emmanuel Carrère est assez conforme à cette définition. Enfin, « c'est plus compliqué que cela ». Limonov est un auteur que l'on connait peu en France, ses accointance avec l'extrême droite et son implication dans les sinistres guerres serbo-croates en font fait une persona non grata de ce côté-ci des Alpes. Limonov est à peu près ce que Carrère n'est pas. Evoquer ce personnage ambigu, auteur - entre autres - de l'autobiographique Le Poète russe préfère les grand nègres, permet à Emmanuel Carrère, comme en contre-point, de se dire lui-même, dans ses premiers non-engagements politiques – né dans le seizième, il fait partie de cette rare jeunesse française à avoir revendiqué comme une pose ses préférences pour la droite, ou encore dans ses non-prises de risque – ses deux ans de vie sur une plage thaïlandaise et son fumeux projet de commerce de bikinis représentant le summum de ses aventures... Avec beaucoup d'autodérision donc, Carrère se lance donc dans l'évocation de la vie du polémique Limonov, et nous voyageons de l'URSS à New York, de Paris à Zaghreb, à travers une histoire contemporaine complexe et que Limonov a traversé, tour à tour sous les habits de clochard, chef du parti national-bochevik, people amoureux de starlettes, prisonnier, valet de millionnaire, … Limonov n'est pas sympathique, c'est vrai, il n'a rien du héros généreux et sans reproches, néanmoins sa vie haute en couleur le désignait en effet tout naturellement pour être un véritable héros picaresque de ce tourant du siècle. Anaïs T.


mercredi 5 juin 2013

La Muraille de lave d'Arnaldur Indridason


Une enquête d'Erlendur mais sans Erlendur !

Achevé le 26 mai 2013

La muraille de lave de Arnaldur Indridason
roman islandais, 2012 (éd. Points), 402 p.

«  Le soir, quand la nuit et le calme eurent envahi la ville, Sigurdur Oli alla sonner à la porte de Sigurlina Thorgrimsdottir, Lina pour les intimes, soupçonnée de chantage. Il avait accepté d'aller lui parler. Elle et son mari Ebeneser, que tout le monde appelait Ebbi, habitaient une maison jumelée dans le quartier est, pas très loin du cinéma Laugarasbio. » (p.32)



Avis aux amateurs des enquêtes du commissaire Erlendur Sveinsson : passez votre chemin pour cet énième opus de la série ! Notre cher flic, obsédé depuis sa tendre enfance par toutes les affaires de disparition mystérieuses, surtout si elles l'amènent dans la grandiose et hostile nature islandaise, a lui-même complètement disparu. En vacances, il laisse sa place d'enquêteur au peu sympathique Sigurdur Oli, récemment séparé de son épouse Berghtora, que l'on suit d'une scène de crime à un repas chez sa mère, d'une enquête dans les milieux bancaires à une planque pour dépister un voleur de journaux dans la boite aux lettres d'une mamie ! Bref, on s'ennuie ferme, et on ne retrouve qu'à peine le plaisir des pittoresques paysages et patronymes islandais... Comme c'est loin d'être le meilleur de la série, relisez plutôt les autres ! Anaïs T.


Les Débutantes de J.Courtney Sullivan


Les Débutantes, chick lit améliorée

Achevé le 24 mai 2013

Les Débutantes de J.Courtney Sullivan
roman américain, 2009 (éd.le Livre de Poche), 546 p.

«  Une demi-heure plus tard, elle sautait dans un taxi, les mains moites. Le temps avait changé, désormais le ciel était d'un bleu pur, et, à cause de la chaleur inhabituelle pour l'époque, le trottoir rendait une odeur de four à pain. » (p.471)


Elles étaient les meilleures amies à la fac, et à l'occasion du mariage de l'une d'entre elles, elles se retrouvent. Et se souviennent. Et se jalousent. Et s'engueulent. Et se réconcilient. Bref, voilà un roman qui ressemble à tant de comédies sentimentales américaines... Petite originalité : le roman réfléchit – un peu – sur le féminisme d'aujourd'hui (Smith, leur université, n'est pas mixte!), et sur l'homosexualité féminine. Bon, c'est vrai, on se prend à retrouver les personnages et leurs petits soucis sans déplaisir. Un bon roman pour la plage !   Anaïs T.