mardi 20 mai 2014

Une famille anglaise de Helen Walsh*


Achevé le 15 mai 2014

Une famille anglaise d'Helen Walsh
roman anglais, 2008 (éd.J'ai lu), 537p.

« Tops of the pops allait commencer d'une minute à l'autre. Vincent s'examina une dernière fois dans la galce et ce qu'il vit lui plut. Il n'avait pas fait tous ces efforts pour rien. Il portait des collants brillants dorés appartenant à sa mère, ses bottes en daim marron et une veste militaire tressée qu'ils avaient achetée à l'Armée du Salut pour une livre et qui ressemblait à celle que les Beatles portaient sur la couverture de Sergent Pepper. Il s'était fait une large ceinture tricolore à partir de trois écharpes en soie qu'il avait tressées autour de sa taille, puis pour parachever l'ensemble, il avait mis de l'eyeliner sur les yeux et tracé une bande blanche audacieuse sur son nez avec de l'ombre à paupière. » (p.205)



Voilà du pain béni pour Ken Loach, une véritable tragédie britannique...
Entre misère sociale et affective, skin heads, rock à billy, ados déglingués, racisme ordinaire et drogues en tous genres, Robbie et son épouse tamoule, Sucheela ou plutôt Shelly – parce que c'est plus simple dans ces banlieues anglaises des années 70, échouent à transformer leur amour en une vie familiale heureuse et belle. C'est cet échec, cette chute inéluctable, que la romancière déroule sous nos yeux, sans espoir aucun pour ses attachants personnages... Beau mais éprouvant.             Anaïs T.

Karoo de Steve Tesich***


Achevé le 9 mai 2014

Karoo de Steve Tesich
roman américain, 1998 (éd.Points), 593p.

« Comme la crise relative au choix que je devais faire s'intensifiait, ma réaction fut de me laisser pousser la barbe. Si cela n'était pas exactement « gérer la crise », la vue de mon visage poilu chaque matin constituait un rappel visuel utile, au cas où je l'oublierais, que j'avais une crise sur les bras. » (p.192)



C'est l'histoire d'une ordure, d'un sale type, d'un affreux.

Un mauvais mari, son ex-femme lui répète assez – une délicieuse hystérique, actionnaire richissime d'une marque textile, qui s'est fait la spécialité d'afficher sur robes et jupes les photos larmoyantes d'espèces animales en voie de disparition.
Un mauvais père aussi : n'évite-il pas avec beaucoup de ruse toutes les occasions où, horreur !, il risquerait de se retrouver en tête à tête avec son fils unique ? quitte à embarquer chez lui une parfaite inconnue à la place, ne sachant trop quoi en faire ensuite...
Dans son art aussi, celui du montage cinématographique, le bonhomme a renoncé à toute moralité et à toute éthique, au nom du sacro saint business, et plus particulièrement dans sa fréquentation professionnelle de l'odieux producteur Cromwell, avatar hollywoodien de Satan très réussi...
Mais voilà, c'est Saul Karoo lui-même qui nous raconte son histoire, et là forcément, tout jugement moralisateur tombe. Aussi cynique soit-il, Karoo est diablement attachant, et on finit par ressentir quelque chose d'assez proche de la connivence avec lui lorsque Steve Tesich donne une inflexion radicale et inattendue à son récit. Une claque. Un roman subtile et souvent drôle, parfois franchement déprimant aussi : j'avoue que Karoo est un plaisir assez déstabilisant.         Anaïs T.