Achevé
le 9 mai 2014
Karoo
de Steve Tesich
roman
américain, 1998 (éd.Points), 593p.
« Comme
la crise relative au choix que je devais faire s'intensifiait, ma
réaction fut de me laisser pousser la barbe. Si cela n'était pas
exactement « gérer la crise », la vue de mon visage
poilu chaque matin constituait un rappel visuel utile, au cas où je
l'oublierais, que j'avais une crise sur les bras. » (p.192)
C'est
l'histoire d'une ordure, d'un sale type, d'un affreux.
Un mauvais mari, son
ex-femme lui répète assez – une délicieuse hystérique,
actionnaire richissime d'une marque textile, qui s'est fait la
spécialité d'afficher sur robes et jupes les photos larmoyantes
d'espèces animales en voie de disparition.
Un
mauvais père aussi : n'évite-il pas avec beaucoup de ruse
toutes les occasions où, horreur !, il risquerait de se
retrouver en tête à tête avec son fils unique ? quitte à
embarquer chez lui une parfaite inconnue à la place, ne sachant trop
quoi en faire ensuite...
Dans
son art aussi, celui du montage cinématographique, le bonhomme a
renoncé à toute moralité et à toute éthique, au nom du sacro
saint business, et plus particulièrement dans sa fréquentation
professionnelle de l'odieux producteur Cromwell, avatar hollywoodien
de Satan très réussi...
Mais
voilà, c'est Saul Karoo lui-même qui nous raconte son histoire, et
là forcément, tout jugement moralisateur tombe. Aussi cynique
soit-il, Karoo est diablement attachant, et on finit par ressentir
quelque chose d'assez proche de la connivence avec lui lorsque Steve
Tesich donne une inflexion radicale et inattendue à son récit. Une
claque. Un roman subtile et souvent drôle, parfois franchement
déprimant aussi : j'avoue que Karoo
est un plaisir assez déstabilisant. Anaïs T.
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