vendredi 28 décembre 2012

Charly9 de Jean Teulé***

Charly 9, folie drolatique


 Lu en décembre 2012

Charly 9, de Jean Teulé
roman français, 2011 (éd.Pocket), 222 p.


« Charly 9 chasse à courre le cerf dans le Louvre, pas dans la cour carrée ni dans le jardin qui mène aux Tuileries, dans le Louvre ! Un magnifique vieux vingt-deux cors ès bois authentiques glisse sur les dalles en marbre, défonce les portes. Il est poursuivi par un cheval rouan au galop que monte à cru le monarque nu, crâne sous le capuchon d'une cape de Béarn qu'il a chippée à Navarre. Dans le dos, les plis en tuyaux d'orgue s'envolent au-dessus de la peau des épaules du roi qui, épée à la main droite, serre dans le poing gauche une étrivière dont il fouette les courtisans sur son passage comme si c'était des roseaux au bord d'un étang. Il fout en l'air des peintres tombant d’échafaudages avec leurs pots de couleur. Voilà ces décorateurs qui roulent entre les sabots de l'équidé à la robe brun rougeâtre tachée de points blancs.
- Hue ! Dia ! Hurle sa majesté, faisant bondir sa monture par dessus les artistes. » (p.157)


Jean Teulé n'est pas forcément un grand auteur. En tous cas c'est mon avis. Le Magasin des suicides est un peu facile, Darling franchement racoleur, et L'oeil de Pâques prétentieux sans raisons de l'être... Pourtant, j'ai retrouvé avec Charly9 quelque chose de l'énergie et de la drôlerie du Montespan, qui narrait les aventures d'un cocu magnifique, mari d'Athénaïs de Montespan, favorite du roi Louis XIV. Ce superbe bafoué, crânement, avait choisi d'arborer sur son carrosse des bois de cerf !
Charly9 reprend une histoire bien connue depuis La Reine Margot, successivement d'Alexandre Dumas et de Patrice Chéreau : les magouilles de l'italienne reine Catherine, la dégénérescence efféminée du frère Henri, les grigris gothiques de sœurette Marguerite, et puis, lorsque l'horreur déborde la cellule familiale, qu'elle s'étend à tout le Louvre, aux rues de Paris, au pays tout entier, c'est la Saint Barthélémy... Certes, c'est un roman sanglant, et même sanguinolent, qu'attendre d'autre de l'auteur de Mangez-le si vous voulez ? Pourtant, et contre toute attente, ce ne sont pas les gorges tranchées ni les boyaux répandus dans les ruelles de la ville renaissante qui constituent le cœur du récit – même si, entendons-nous bien, vous les trouverez c'est du Jean Teulé tout de même ! Non, ici, la focalisation se fait sur Charles IX, un homme finalement assez normal, auquel le lecteur peut, au début du roman tout au moins, assez facilement s'identifier, qui malgré lui se trouve forcé de devenir l'un des plus grands meurtriers de tous les temps... Ou comment la folie se révèle bien pratique pour assumer l'inassumable !