samedi 16 février 2013

Les privilèges de Jonathan Dee*

Les Privilèges, néo-cynisme à l'américaine

Achevé le 16 février 2013

Les Privilèges de Jonathan Dee
roman américain, 2010 (éd.10/18), 356p.


«  La Floride. Quelle plaie ! Et peut-être la raison pour laquelle les vieux affluaient ici – être obligé de la quitter ne devait pas sembler si terrible. A l'arrière de la limousine, elle regarda les routes à six voies, les centres commerciaux, les constructions sans fin, les hauts murs et les terrains de golf visibles au loin, comme si la vie sur un terrain de golf était une chose si désirable qu'une vision trop proche risquait de vous brûler les yeux. » (p.302)

Je ne saurais dire s'il s'agit là d'un bon roman, néanmoins, quant à son propos, le texte de Jonathan Dee n'est pas inintéressant. Ça commence comme dans Gossip girl : un mariage prétentieux entre deux jeunes gens de la bonne société new yorkaise, qui se fréquentent depuis toujours, et n'envisagent pas une seconde que leur union, tout comme leur existence de privilégiés, puissent un jour être remises en question, ou bien se transformer en fiasco. Un somptueux appartement sur la cinquième avenue et deux magnifiques enfants plus tard, la vie ne leur a pas donné tort.
On pense bien sûr au Bucher des vanités, mais là où Tom Wolfe prenait un espiègle plaisir à faire tomber les grands de leur piedestal, Jonathan Dee choisit le parti inverse : Cynthia et Adam n'en finissent plus de s'enrichir. En réalité, tout n'est pas très moral ni très propre dans l'origine de cette fortune faramineuse, mais l'auteur n'est pas décidé à se faire moralisateur en infligeant à ses personnages une quelconque punition. Ces quatre-là, les Morey, ne sont ni tout à fait des ordures, ni tout à fait des gens bien, ils sont finalement comme tout le monde, avec des moments de grandeur et des instants de mesquinerie. Chaque fois que ces personnages – et ils le sont tous à un moment donné du récit – sont confrontés au scandale de leur propre richesse, face par exemple à la très grande misère des ouvriers chinois, à la maladie incurable, à la folie et au handicap, la prise de conscience de l'injustice de la situation a lieu : ô combien sont-ils privilégiés ! se disent-ils. Mais la solution chaque fois sera la même, se blottir un peu plus encore dans leur argent, dans leur confort, dans leurs privilèges. Immoral, certes, mais réaliste...
Aurait-on vraiment apprécié un énième happy end à l'américaine, avec rédemption émouvante, retour dans le droit chemin et applaudissements d'une foule émue au larme de tant de grandeur d'âme dans le renoncement  ? Sûrement pas. Anaïs T.




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