Zazie
dans le métro
de Raymond
Queneau
roman
français,
1959
(éd.folioplus
classiques),
193p.
« -
Zazie, déclare Gabriel en prenant un air majestueux trouvé sans
peine dans son répertoire, si ça te plait de voir vraiment les
Invalides et le tombeau véritable du vrai Napoléon, je t'y
conduirai.
-
Napoléon mon cul, réplique Zazie. Il m'intéresse pas du tout, cet
enflé, avec son chapeau à la con.
-
Qu'est-ce qui t'intéresse alors ?
Zazie
ne répond pas.
-
Oui, dit Charles avec une gentillesse inattendue, qu'est-ce qui
t'intéresse ?
-
Le métro. »
(p.14)
Zazie
dans le métro,
c'est l'histoire
d'une petite provinciale venue passer deux jours chez son tonton
Gabriel à Paris. Le métro, elle ne le verra pas, « bicoze la
grève », ou alors endormie. Deux jours, ce sera juste le temps
de semer une parfaite
zizanie dans l'univers bien chorégraphié de Gabriel et Marcelline,
de Turandot, de Gridoux,
de Mado P'tits pieds...
Ce
qu'il y a de bien, avec Zazie
dans le métro,
c'est qu'on peut le lire et l'apprécier à tous les âges. Aux
enfants – et aux esprits restés jeunes ! - la saveur des
grossieretés de Zazie :
« moi
qu'étais si heureuse, si contente et tout, d'aller m'voiturer dans
l'métro. Sacrebleu, merde alors ». Aux amateurs de la langue
française : « Et puis faut s'grouiller : Charles
attend », « mademoiselle,
vos insinuations ne sont pas de celles que l'on subtruque à une dame
dans l'état de veuvage ».
Aux admirateurs de Lacan et autres freudiens : la ballade
labyrinthique dans Paris comme récit initiatique, avec
la bouche de métro, métaphore de la matrice originelle, de la quête
de l'interdit, de la libido enfantine, et
d'ailleurs le dernier mot de Zazie n'est-il
pas :
« J'ai vieilli ». Aux
nostalgiques du Paris d'après-guerre : le « bloudjinnzes »
comme utime objet du désir pour Zazie – après le métro bien sûr.
Ou
encore
aux
raffinés littéraires
qui apprécieront toutes les références intertextuelles que Queneau
glisse dans son roman, comme autant de clins d'oeil à la « grande
littérature » : la
question de l'inversion sexuelle (« le tonton Gabriel est une
tante », « qu'il soit hormosessuel ? Mais qu'est-ce
que ça veut dire ? Qu'il se mette du parfum ? »), la
tante Marcelline qui se transforme in
fine
en Marcel, ou encore comme le souligne Louis Malle dans son génial
film du même nom : « la Madeleine, c'est du passé, n'en
parlons plus », autant de références à la Recherche
du Temps perdu
de Marcel
Proust...
Bref
relisez cette confiserie littéraire qu'est Zazie
dans le métro,
ou redécouvrez le film de Louis Malle, œuvre cinématographique
expérimentale et unique en son genre ! Anaïs T.