dimanche 21 avril 2013

Bellefleur de Joyce Carol Oates***


Bellefleur, patchwork précieux

achevé le 4 avril 2013

Bellefleur de Joyce Carol Oates
roman américain, 1980 (éd.Le Livre de Poche), 971p.

«  Ainsi disparut-il finalement dans la chambre Turquoise. Il y entra, un soir, après le diner et n'en ressortit jamais ; il disparut, tout simplement. Les fenêtres étaient non seulement fermées mais verrouillées de l'intérieur. Il existait des passages secrets permettant de sortir de deux ou trois autres chambres du château (dont l'une était le bureau de Raphaël) mais aucun couloir de ce genre ne partait de la chambre turquoise. Le garçon avait simplement disparu. Il n'existait plus. Il n'y a avait aucune trace, aucun message d'adieu, aucune remarque finale, lourde de signification, n'avait été prononcée : Samuel Bellefleur avait simplement cessé d'exister. » (p.367)



    Avec Bellefleur, Joyce Carol Oates compose un texte bien loin de ce qu'on a l'habitude de lire aujourd'hui, quelque part entre le roman gothique du XIXème siècle anglais – on pense aux sœurs Brönte avec délice - et le réalisme magique des romanciers d'Amérique du Sud – Gabriel Garcia Marquez, ou même Isabel Allende. Aux premiers elle emprunte l'atmosphère lugubre des manoirs labyrinthiques et la folie douce des vieilles familles aristocratiques, aux seconds l'art de retracer l'histoire d'une terre, d'un pays, ici les grands espaces nord-américains, des premiers heurts avec les Indiens à l'industrialisation du XXème siècle, à travers l'histoire particulière d'un même clan, les Bellefleur, tous plus atypiques et pittoresques les uns que les autres : Jededhiah, ermite fou de Dieu en errance dans les montagnes enneigées, Germaine, la fillette aux pouvoirs magiques, Raphaël transformé après sa mort en peau de tambour, ou encore Jean-Pierre II, le tueur en série...
     Dans le roman, l'un des personnages, une vieille cousine Bellefleur, fabrique de très précieuses couvertures en patchwork, et ce motif pourrait servir de mise en abyme à l'écriture du roman tout entier. Joyce Carol Oates en effet, ne choisit pas la linéarité chronologique, mais plutôt, dans une quête plus esthétique que pragmatique, coud les uns à côté des autres une petite centaine de petits récits, comme autant de morceaux d'étoffes et de tissus plus chatoyants les uns que les autres, et l'ensemble prend au fur et à mesure de la lecture, tout son sens, et la malédiction funeste qui pèse sur la famille devient à la fois plus manifeste et plus mystérieuse, jusqu'au coup du sort final, grandiose...
     Très loin de Blonde consacré à Marylin ou du très beau Les Chutes, évocation sans concession de l'Amérique des années 50, Bellefleur, comme hors du monde et du temps, n'en est pas moins, à mon sens un bijou littéraire.  Anaïs T.





2 commentaires:

  1. Les trois tomes de cette saga sont dans ma PAL, je suis contente de lire ton avis positif !

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  2. Oui, c'est un beau livre, il faut un peu prendre son élan pour le lire, il est très long, mais en ce qui me concerne, j'adore me plonger littéralement dans une œuvre pendant des soirées et des soirées... Rien de plus frustrant qu'un bon livre terminé en trois heures !

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