vendredi 26 avril 2013

Sukkwan island de David Vann ***


Sukkwan island, roman d'horreur
Achevé le 25 avril

Sukkwan island de David Vann
roman américain, 2010 (éd.Gallmeister), 200p.

« Roy ressassait le discours de son père, et la personne à ses côtés lui semblait être un père bien étrange. Plus que toute autre chose, c'était le ton de sa voix, comme si la création du monde menait invariablement vers le Gros Plantage. Mais Roy évitait de trop réfléchir. Il avait vraiment envie de dormir.
La neige s'installa à plus basse altitude, et ils cessèrent de pêcher, d'utiliser le fumoir ou de couper du bois.
On est parés de toutes façons, fit son père. Il est temps de s'installer et de se détendre. Il faudra environ deux semaines avant que je pète les plomb.
Quoi ?
Je plaisante, dit son père. C'était une blague. » (p.94)



         Le personnage principal de Sukkwan Island est Jim, le dentiste coureur de jupons et foncièrement égocentré, que l'on avait croisé déjà, en tant que personnage secondaire cette fois, dans Désolation (cf ma critique). Sukkwan island a été écrit avant Désolation mais la chronologie est inversée, et on retrouve cet homme aussi torturé qu'antipathique quelques années plus tard, alors que, divorcé et un peu perdu, il décide de vivre une expérience unique avec Roy, son fils de treize ans. Vivre, ou plutôt survivre une année entière sur une île déserte et sauvage, au sud de l'Alaska.
            On apprécie dans ce roman tous les ingrédients de Désolations : le rêve d'une île déserte, le retour aux sources et à la vie sauvage, la cabane en rondins, les migraines obsédantes, le froid, la neige, le suicide et le meurtre. Le roman est terriblement efficace, on souffre avec Roy, l'adolescent qui n'avait rien demandé et qui se laisse embarquer dans la folie dangereuse de son père. Le roman est tout en tension, et l'on sait que l'on s'achemine, comme dans une tragédie de Sophocle, vers le drame. Et le drame a lieu à la fin de la première partie. Il est insupportable - et je pèse mes mots - ce qui finit par se produire est terriblement choquant. L’événement aurait pu coïncider avec la fin du roman, mais David Vann a pris un autre parti. Il ne cède pas à la facilité de clore son texte ainsi mais, sans ménager ni la pudeur, ni la sensibilité du lecteur, il reprend le cours de son récit, et comme assommé par tant d'horreur, le lecteur passif comprend qu'il devra boire le calice de l'abomination jusqu'à la lie... 
            Un très bon roman, mais à ne pas mettre entre toutes les mains, tant David Vann va loin dans le récit de la folie furieuse et de ses conséquences sordides...  
Anaïs T. 

 

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