Bellefleur, patchwork précieux
achevé le 4 avril 2013
Bellefleur
de
Joyce Carol Oates
roman
américain, 1980 (éd.Le Livre de Poche), 971p.
«
Ainsi
disparut-il finalement dans la chambre Turquoise. Il y entra, un
soir, après le diner et n'en ressortit jamais ; il disparut,
tout simplement. Les fenêtres étaient non seulement fermées mais
verrouillées de l'intérieur. Il existait des passages secrets
permettant de sortir de deux ou trois autres chambres du château
(dont l'une était le bureau de Raphaël) mais aucun couloir de ce
genre ne partait de la chambre turquoise. Le garçon avait simplement
disparu. Il n'existait plus. Il n'y a avait aucune trace, aucun
message d'adieu, aucune remarque finale, lourde de signification,
n'avait été prononcée : Samuel Bellefleur avait simplement
cessé d'exister. »
(p.367)
Avec
Bellefleur,
Joyce Carol Oates compose un texte bien loin de ce qu'on a l'habitude
de lire aujourd'hui, quelque part entre le roman gothique du XIXème
siècle anglais – on pense aux sœurs Brönte avec délice - et le
réalisme magique des romanciers d'Amérique du Sud – Gabriel
Garcia Marquez, ou même Isabel Allende. Aux premiers elle emprunte
l'atmosphère lugubre des manoirs labyrinthiques et la folie douce
des vieilles familles aristocratiques, aux seconds l'art de retracer
l'histoire d'une terre, d'un pays, ici les grands espaces
nord-américains, des premiers heurts avec les Indiens à
l'industrialisation du XXème
siècle, à travers l'histoire particulière d'un même clan, les
Bellefleur, tous plus atypiques et pittoresques les uns que les
autres : Jededhiah, ermite fou de Dieu en errance dans les
montagnes enneigées, Germaine, la fillette aux pouvoirs magiques,
Raphaël transformé après sa mort en peau de tambour, ou encore
Jean-Pierre II, le tueur en série...
Dans
le roman, l'un des personnages, une vieille cousine Bellefleur,
fabrique de très précieuses couvertures en patchwork, et ce motif
pourrait servir de mise en abyme à l'écriture du roman tout entier.
Joyce Carol Oates en effet, ne choisit pas la linéarité
chronologique, mais plutôt, dans une quête plus esthétique que
pragmatique, coud les uns à côté des autres une petite centaine de
petits récits, comme autant de morceaux d'étoffes et de tissus plus
chatoyants les uns que les autres, et l'ensemble prend au fur et à
mesure de la lecture, tout son sens, et la malédiction funeste qui
pèse sur la famille devient à la fois plus manifeste et plus
mystérieuse, jusqu'au coup du sort final, grandiose...
Les trois tomes de cette saga sont dans ma PAL, je suis contente de lire ton avis positif !
RépondreSupprimerOui, c'est un beau livre, il faut un peu prendre son élan pour le lire, il est très long, mais en ce qui me concerne, j'adore me plonger littéralement dans une œuvre pendant des soirées et des soirées... Rien de plus frustrant qu'un bon livre terminé en trois heures !
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