Achevé
le 2
janvier
2014
Lointain
souvenir
de la peau
de
Russel
Banks
roman
américain,
2011
(éd. Babel),
529
p.
«
Il n'a qu'à
aller, via Google, sur le site du registre national des délinquants
sexuels. Là, cliquer sur trouver les délinquants, puis chercher par
lieu et entrer le nom Calusa. Une carte apparaîtra, parsemée de
petites cases colorées : chaque case représente le lieu où
demeure un délinquant sexuel condamné et sa couleur, rouge, jaune,
bleue ou verte, indique la nature du délit. Le rouge désigne les
actes perpétrés contre des enfants ; le jaune marque le viol ;
le bleu, l'agression sexuelle ; et le vert dénote les « autres
délits » (…). »
(p.140)
Je
n'ai jamais oublié la lecture d'un autre des romans de Russel Banks,
Sous le
règne de Bone,
qui racontait déjà l'histoire à la dérive d'un ado américain en
marge : dur et troublant. Avec Lointains
souvenirs de la peau
Russel Banks évoque la déviance et surtout l'extrême solitude.
Le
Kid a une vingtaine d'années, il vit avec un iguane sous un
échangeur d'autoroute, avec d'autres délinquants sexuels condamnés
comme lui au port d'un bracelet électronique pour s'assurer qu'ils
ne s'approcheront pas à moins de plusieurs centaines de mètres du
moindre enfant. Dans cette ville de Floride, il ne reste à ces rebuts
de la société que les zones
inhumaines : les autoroutes ou les marais.
Le
Kid n'a pas été bien aimé par sa mère, il n'a pas eu de camarades
à l'école, pas de petite amie, et même l'armée américaine n'a
pas su l'accueillir. Son seul ami, Iggy l'iguane. Alors la tendresse,
il l'a trouvée sur les lumières rassurantes de la toile, internet
comme substitut maternel, puis rapidement comme seul exutoire sexuel,
le Kid est devenu dépendant aux sites pornographiques, comme des
millions d'adolescents.
Lorsqu'à
vingt ans il rencontre sur un chat brandi18, c'est la toute première
fois qu'il parvient à s'abstraire de sa fascination pour les films
porno, et qu'il s'apprête à rencontrer un être humain de chair,
avec toutes ses
promesses de chaleur, de tendresse et peut-être d'amour. Mais voilà,
Brandi a 14 ans, et dans cette société américaine bien pensante,
le Kid est un criminel pédophile, et la sanction tombe, le coupant
définitivement, ou tout comme, de toute relation humaine
authentique : en tous cas, il se le promet, on ne l'y reprendra
plus.
Mais
c'est sans compter sans le Professeur, étrange personnage qui fait
son apparition dans la vie du Kid en même temps que dans la
littérature américaine : jamais je n'avais croisé dans mes
lectures un tel personnage ! D'une intelligence extrême, il est
présenté comme l'homme potentiellement le plus brillant de
Floride ; cet universitaire est aussi physiquement stupéfiant
par son obésité hors
normes, extraordinaire, même pour ce pays particulièrement concerné
par ce fléau du surpoids. Et voilà que ce génie éléphantesque
s'intéresse au Kid. Qui est-il ? Un sociologue désireux de
tenter une expérimentation dont le Kid serait le cobaye ? Un
pédophile ? Un agent secret ? Un contre espion ? Et
voilà relancé du même coup de façon très inattendue le récit
de Russel Banks... Un très bon roman qui questionne brutalement la
société occidentale et ses réseaux numériques de solitude...
Anaïs
T.
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