Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine recherche Lucile désespérément
Lecture achevée le 3 mai 2013
Lecture achevée le 3 mai 2013
Rien
ne s'oppose à la nuit
de Delphine
de Vigan
roman
français, 2011 (éd. Le
Livre de Poche),
401p.
« Derrière
la mythologie, il y a la mort d'un enfant et l'arrivée d'un autre :
une
pièce de puzzle qu'on essaie de faire rentrer de force,
me dira Violette lors de mes entretiens. Dans les notes que Lucile a
écrites sur son enfance, récupérées chez elle au fond d'un
carton, à propos de l'arrivée de Jean-Marc, j'ai trouvé cette
phrase : Ainsi
je découvrais confusément, malgré les explications et les
dénégations, que nous étions interchangeables. Je n'ai jamais pu
me convaincre par la suite du contraire, ni dans les rapports
amoureux, ni dans les rapports amicaux. »
(p.79)
Dans
Rien
ne s'oppose à la nuit
– titre qu'elle emprunte à une chanson de Bashung, Delphine de
Vigan raconte sa mère, Lucile. Lucile est née à une autre époque,
celle du Paris d'après guerre, dans une famille nombreuse et
joyeusement turbulente, entre
sa mère Liane, et ses grossesses radieuses et permanentes, son père,
Georges qui fait vivre bon an mal an toute la tribu, et ses huit
frères et sœurs, une vie de bohème avant l'heure. Mais voilà,
derrière la légèreté et les souvenirs cartes postales, des
secrets, des mensonges et des drames.
Parce
que si Delphine de Vigan entreprend de raconter sa mère, c'est que
celle-ci n'est plus, elle vient de se suicider, et c'est la
romancière, qui a reçu en héritage le fardeau de découvrir son
corps sans vie, et de comprendre. Lucile était maniaco-dépressive1,
oscillant entre l'abattement le plus terrifiant et des crises de
folie délirante... Si le suicide a été la dernière conséquence
de ces troubles bipolaires, ceux-ci trouvent nécessairement leur
cause dans le passé et l'histoire personnelle de Lucile. Et c'est
bien une enquête que Delphine de Vigan nous donne à lire, la
sienne, faite de ses propres souvenirs d'enfance, de conversations
avec ceux qui sont encore en vie, de retranscriptions de cassettes
audio enregistrées par le grand-père, de films en super 8... Il ne
s'agit pas d'autofiction, il ne s'agit pas non plus de se délecter
de sordides secrets de famille. Aucun voyeurisme dans Rien
ne s'oppose à la nuit,
mais un récit sincère et prudent, où chaque ligne est pesée,
réfléchie, douloureuse...
Delphine
de Vigan écrit quelque part dans son texte qu'en guise d'hommage à
quelqu'un que l'on aime, le tombeau littéraire est sans doute ce
qu'il y a de plus beau : avec Rien
ne s'oppose à la nuit,
le souvenirs précieux de cette belle blonde à la cigarette est fixé
dans nos têtes et pour longtemps...
1comme
l'artiste contemporain Gérard Garouste qu'elle évoque souvent.
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