Achevé
le 8
décembre
2013
Les
Corrections
de
Jonathan
Franzen
roman
américain, 2001
(éd. Points), 694
p.
«
Au mois
de mars précédent, à Saint-Jude, Enid avait fait remarquer que,
pour un vice-président de banque marié à une femme qui ne
travaillait qu'à temps partiel, à titre bénévole pour le fonds de
défense des enfants, Gary semblait faire énormément
la
cuisine. Gary n'avait pas eu trop de mal à clouer le bec à sa
mère : elle était mariée à un homme qui n'aurait pas su
faire cuire un oeuf à la coque, et elle était manifestement
jalouse. Mais lors de l'anniversaire de Gary, après qu'il fut rentré
de Saint-jude en compagnie de Jonah et eut reçu la coûteuse
surprise d'un labo photo
couleur, après
qu'il ait eu la force de s'exclamer : Une
chambre noire, génial, quelle joie !
Caroline lui avait tendu un plat de crevettes roses et de brutales
darnes d'espadon à griller, et il s'était demandé si sa mère
n'avait pas raison. »
(p.206)
Alfred
et Enid ont trois enfants, devenus grands aujourd'hui. Enid n'a qu'un
seul rêve, qu'une seule obsession, qu'une seule rengaine : voir
toute sa famille réunie pour Noël, dans leur maison familiale de la
profonde province américaine. Mais Enid refuse de tenir compte de la
réalité, et
dépense toute son énergie à mener une vaste entreprise de chantage
affectif auprès de chacun de ses rejetons... Il y a d'abord
Gary, son fils ainé, brillant banquier, marié à une épouse
magnifique et père de trois beaux garçons. On
le découvre
enlisé dans une dépression profonde, dont les symptômes principaux
oscillent entre une maniaquerie dictatoriale et l'incapacité
désormais à éprouver la moindre empathie pour ses proches. Denise,
la seconde, est aussi douée dans son domaine professionnel, la
cuisine dans de prestigieux établissements, que catastrophique dans
sa vie privée. Même constat enfin pour le cadet, Chip, autrefois
professeur de littérature sur un campus universitaire, aujourd'hui
obscure
petite main d'une escroquerie vouée à l'échec fomentée par la
mafia lituanienne... Pour
couronner le tout, dans la famille déprime, je demande le père,
Alfred. Le
mari d'Enid,
qui a toujours été un être froid, distant, voire odieux avec les
siens, est en train de sombrer dans la sénilité – et dans la
maladie de Parkinson, et dans l'incontinence. Si
l'on ajoute à cela qu'Enid est à deux doigts de virer toxicomane...
Parviendront-ils
à réunir leurs misères affectives respectives pour une
caricature de Noël à l'américaine ? A
quoi correspond cette ultime réunion ? S'agira-t-il d'une
possibilité de nouveau départ ? D'une opportunité de couper
enfin le cordon ? Ou bien du paiement, enfin, de la dette
laissée par trente ans de vie conjugale sans amour, entre Enid et
Alfred ? Qu'aurait-il fallu corriger ?
Jonathan
Franzen écrit un roman terriblement fort, on balance sans cesse
entre la drôlerie et le pessimisme le plus radical, d'autant plus
dérangeant que certaines situations ne peuvent que rappeler nos
tristes vies d'occidentaux moyens... Si vous cherchez à vous plonger
dans un épais roman qui ne vous laissera pas indemne, c'est sur
celui-ci que vous devez urgemment vous jeter ! Anaïs T.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Qu'en pensez-vous ?