Achevé
le 9
novembre
2013
Les
Nouvelles Confessions
de William
Boyd
roman
anglais,
1988
(éd. Points), 633
p.
«
Voici
l’histoire d’une vie. Ma vie. La vie d’un homme au vingtième
siècle. Ce que j’ai fait et ce qu’on m’a fait. Si parfois il
m’est arrivé d’employer quelque ornement innocent, cela n’a
jamais été que pour pallier un défaut de mémoire. J’ai pu
quelquefois prendre pour un fait ce qui n’était guère plus qu’une
probabilité, mais – et ceci est capital – je n’ai jamais fait
passer pour vrai ce que je savais être faux. Je me montre tel que je
fus : méprisable et vil quand je me comportai de la sorte ;
bon, généreux et sublime quand je l’ai été. J’ai toujours
observé de très près ceux qui m’entouraient et je ne me suis pas
épargné ce même examen minutieux. Je suis tout simplement un
réaliste. Je ne juge pas. Je note. Ainsi donc, me voici. Vous
pourrez gémir sur mes incroyables gaffes, me maudire pour mes
innombrables imbécillités et rougir jusqu’à la racine des
cheveux de mes confessions, mais – mais – pouvez-vous, je me le
demande, pouvez-vous vraiment mettre la main sur votre coeur et
dire : " Je fus meilleur que lui ? '' »
(p.14)
Il
m'arrive parfois de faire des razzias de livres de poche chez Emmaüs,
et dans ces piles de vieux bouquins à 10 ou 20 centimes, parfois
moins, je découvre souvent
de vrais trésors... Alors sans doute pensez-vous que j'arrive
franchement après la bataille, mais je l'avoue je ne connaissais pas
ce qui me paraît clairement être un classique de la littérature.
Au
début du 20e
siècle, les Breton, et autre Valéry, glorieux inspirateurs
du Surréalisme, condamnent haut et fort le « roman à la
Balzac », pour eux, ces histoires de personnages aux prises
avec leur époque, leur société, leur émotions sont définitivement
has
been,
plus jamais nous n'écrirons, disent-ils, « La marquise sortit
à cinq heures... ». Mais voilà, l'histoire littéraire leur a
définitivement donné tort, et, de mon point de vue, le roman à
la papa a encore de belles choses à nous apporter...
Dans
les Nouvelles
Confessions,
William Boyd délègue la parole à son personnage, John James Todd,
qui depuis sa retraite ensoleillée sur une île espagnole, dans les
années 70, retrace les grandes lignes de sa vie, de sa petite
enfance en Ecosse, auprès d'un père et d'un frère indifférents, à
son destin de cinéaste hollywoodien, en passant par les tranchées
de la première guerre mondiale, le Berlin des années 30, la chasse
aux communistes, etc... Le parti pris est celui de l'hommage rendu à
Rousseau, auteur des Confessions :
James John Todd promet d'écrire sa vie avec lucidité et honnêteté,
sur le modèle du fameux texte de Rousseau, mais ce contrat de
lecture entre lecteur et personnage-auteur n'est pas le seul aspect
rousseauiste à relever.
James John Todd en 1918 est prisonnier en Belgique occupée ;
il se lie d'amitié avec Karl-Heinz, son
gardien allemand, qui lui offre un jour, pour soulager l'ennui de la
captivité, un ouvrage, Les
Confessions
de Rousseau. Pour James John Todd, c'est une révélation : plus
tard, devenu l'un des premiers réalisateurs de l'histoire du cinéma,
celui du noir et blanc , et du muet, il ne cessera de chercher à
adapter à l'écran la biographie du philosophe des Lumières, sans
se rendre compte, que dans sa propre vie, il passe peu ou prou à
travers les mêmes épisodes, comme la relation trouble avec sa nurse
ou l'abandon de ses propres enfants...
Nul
besoin de connaître le texte de Rousseau pour savourer l'oeuvre de William Boyd, un très grand roman, par exemple pour qui s'intéresse à l'histoire du cinéma... Pour moi, William Boyd avec Les Nouvelles Confessions se situe quelque part entre Céline et
John Irving, et ça n'est pas peu dire ! Anaïs T.