Limonov, le picaresque du 20e siècle
Achevé
le 8
juin
2013
Limonov
d'Emmanuel
Carrère
roman
français, 2011 (éd.folio), 489 p.
«
La
situation, c'est que je suis son biographe : je l'interroge, il
répond, quand il a fini de répondre il se tait en regardant ses
bagues et attend la question suivante. Je me dis qu'il est hors de
question de me taper plusieurs heures d'entretien de ce genre, que je
me débrouillerai très bien avec ce que j'ai. Je me lève en
remerciant pour le café et le temps qu'il m'a consacré, et c'est
sur le pas de la porte qu'il m'en pose une, finalement, de question :
« C'est
bizarre quand même. Pourquoi est-ce que vous voulez écrire un livre
sur moi ? »
Je
suis pris de court mais je réponds, sincèrement : parce qu'il
a – ou parce qu'il a eu, je ne rappelle plus le temps que j'ai
employé – une vie passionnante. Une vie romanesque, dangereuse,
une vie qui a pris le risque de se mêler à l'histoire.
Et
là, il me dit quelque chose qui me scie. Avec son petit rire sec,
sans me regarder : « Une vie de merde, oui. » »
(p.484)
Limonov
est un
« fasciste anachronique et mégalomane », la
formule est de Finkielkraut, et finalement le portrait brossé par
Emmanuel Carrère est assez conforme à cette définition. Enfin,
« c'est plus compliqué que cela ». Limonov est un auteur
que l'on
connait
peu en France, ses accointance avec l'extrême droite et son
implication dans les sinistres guerres serbo-croates en font fait
une
persona
non grata
de ce côté-ci des Alpes. Limonov est à peu près ce que Carrère
n'est pas. Evoquer ce personnage ambigu, auteur -
entre autres -
de l'autobiographique Le
Poète russe préfère les grand nègres,
permet à Emmanuel Carrère, comme en contre-point, de se dire
lui-même,
dans ses premiers non-engagements politiques – né dans le
seizième, il fait partie de cette rare jeunesse française à avoir
revendiqué comme une pose
ses préférences pour la droite, ou
encore dans ses
non-prises de risque –
ses deux ans de vie sur une plage thaïlandaise et son fumeux projet
de commerce de bikinis représentant le summum de ses aventures...
Avec beaucoup d'autodérision donc, Carrère se lance donc dans
l'évocation de la vie du polémique Limonov, et nous voyageons de
l'URSS à New York, de Paris à Zaghreb, à travers une histoire
contemporaine complexe et que Limonov a traversé, tour à tour sous
les habits de clochard, chef du parti national-bochevik, people
amoureux de starlettes, prisonnier, valet de millionnaire, …
Limonov n'est pas sympathique, c'est vrai, il n'a rien du héros
généreux et sans reproches, néanmoins sa vie haute en couleur le
désignait en effet tout naturellement pour être un véritable héros
picaresque de ce tourant du siècle.
Anaïs
T.
Et si Limonov était quelque peu différent de ce que raconte Carrère ?
RépondreSupprimerJe l'ai découvert après la lecture de ce grand livre.
Un chef d'oeuvre, qui fait déja office de classique, 2 ans après sa sortie, et pas qu'en France, comme vous pourrez le constater sur ce site très complet, consacré au véritable Edouard Limonov
http://www.tout-sur-limonov.fr/