Lu en décembre 2012
Charly
9,
de Jean Teulé
roman
français, 2011 (éd.Pocket), 222 p.
« Charly 9 chasse à courre le cerf dans le Louvre, pas dans la cour
carrée ni dans le jardin qui mène aux Tuileries, dans le Louvre !
Un magnifique vieux vingt-deux cors ès bois authentiques glisse sur
les dalles en marbre, défonce les portes. Il est poursuivi par un
cheval rouan au galop que monte à cru le monarque nu, crâne sous le
capuchon d'une cape de Béarn qu'il a chippée à Navarre. Dans le
dos, les plis en tuyaux d'orgue s'envolent au-dessus de la peau des
épaules du roi qui, épée à la main droite, serre dans le poing
gauche une étrivière dont il fouette les courtisans sur son passage
comme si c'était des roseaux au bord d'un étang. Il fout en l'air
des peintres tombant d’échafaudages avec leurs pots de couleur.
Voilà ces décorateurs qui roulent entre les sabots de l'équidé à
la robe brun rougeâtre tachée de points blancs.
-
Hue ! Dia ! Hurle sa majesté, faisant bondir sa monture
par dessus les artistes. » (p.157)
Jean
Teulé n'est pas forcément un grand auteur. En tous cas c'est mon
avis. Le
Magasin des suicides
est un peu facile, Darling
franchement racoleur, et L'oeil
de Pâques prétentieux
sans raisons de l'être... Pourtant, j'ai retrouvé avec Charly9
quelque chose de l'énergie et de la drôlerie du Montespan,
qui narrait les aventures d'un cocu magnifique, mari d'Athénaïs de
Montespan, favorite du roi Louis XIV. Ce superbe bafoué, crânement,
avait choisi d'arborer sur son carrosse des bois de cerf !
Charly9
reprend
une histoire bien connue depuis La
Reine Margot,
successivement d'Alexandre Dumas et de Patrice Chéreau : les
magouilles de l'italienne reine Catherine, la dégénérescence efféminée du frère Henri, les grigris gothiques de sœurette
Marguerite, et puis, lorsque l'horreur déborde la cellule familiale,
qu'elle s'étend à tout le Louvre, aux rues de Paris, au pays tout
entier, c'est la Saint Barthélémy... Certes, c'est un roman
sanglant, et même sanguinolent, qu'attendre d'autre de l'auteur de
Mangez-le
si vous voulez ?
Pourtant, et contre toute attente, ce ne sont pas les gorges
tranchées ni les boyaux répandus dans les ruelles de la ville
renaissante qui constituent le cœur du récit – même si,
entendons-nous bien, vous les trouverez c'est du Jean Teulé tout de
même ! Non, ici, la focalisation se fait sur Charles IX, un
homme finalement assez normal, auquel le lecteur peut, au début du
roman tout au moins, assez facilement s'identifier, qui malgré lui
se trouve forcé de devenir l'un des plus grands meurtriers de tous
les temps... Ou comment la folie se révèle bien pratique pour
assumer l'inassumable !